Bertrand Guillot
Le résumé:
"Puisant dans ma lointaine mémoire scolaire, j'improvise un nouvel
exercice : cette fois il ne s'agit plus de nommer les lettres, mais de
prononcer le son qu'elles forment : "D'eu", "T'eu", "Sssss"...
Jeux de lèvres, le courant passe. et maintenant, comme si c'était prévu
depuis le départ, j'annonce le plat de résistance. Nous allons terminer
cette séance en lisant un mot, un vrai. Je reprends l'explication sur
les syllabes. Je doute d'être vraiment compris mais face à moi les yeux
sont allumés. On y va; Sur la feuille maintenant les lettres vont deux
par deux, je m'applique. B... A...
- ...
La barre est trop haute. Opiniâtre ou inconscient, je poursuis.
J'insiste sur le B ("B'eu", font les lèvres), j'exagère le A (Monsieur
Jourdain, salut), avec force gestes je mime la consonne qui vient tomber
sur la voyelle, allez Nabil. "B'eu" et A, B+A ?
- Heu... Bi ?"
Le choix du livre:
J'ai eu la chance de me voir proposer cette lecture en livre voyageur par Anne-Sophie. Merci à elle et à Mathilde des éditions Rue Fromentin pour la découverte!
Mon avis:
En débutant ce livre, je savais qu'en France il y avait un nombre assez ahurissant d'illettrés et d'analphabètes, mais rien de tel pour en prendre la mesure que de lire cet ouvrage.
En effet, ici, Bertrand Guillot nous dresse le portrait des "apprenants" immigrés venus apprendre à lire au centre Riquet à Paris.
Pour la plupart, ils vivent en France depuis 5, 10, 15 ans et ont réussis tant bien que mal à suivre leur chemin sans avoir les bases pour lire ou du moins déchiffrer les textes rudimentaires qui leur permettront d'être autonomes. C'est ce que les bénévoles du centre tentent, chaque vendredi soir, en petit groupe de leur enseigner: le B-a. BA de la langue française.
Ainsi, nous suivons Bah, Amah, Nabil et les autres durant une année "scolaire" dans leurs apprentissages. Ils sont motivés, persévérants pour la plupart et voient en leurs bénévoles des hommes et femmes qui les sauveront.
Je mesure la difficulté de reprendre ou plutôt démarrer à 40, 50 ans un cycle d'apprentissage d'une langue qui n'est pas leur langue maternelle. Je ne suis pas certaine, à leur place d'en avoir le courage.
Cet ouvrage est vraiment très instructif. On se rends compte que la demande pour ces cours d'alphabétisation est supérieure à l'offre et que les bénévoles sont de vraies pépites.
Pour être moi-même bénévoles (mais à un tout autre niveau), je mesure l'implication et ce que les gens attendent de vous. Parfois, ça met quand même beaucoup la pression ^^.
Ce documentaire est intéressant car pour une fois on met le doigt sur le tabou qu'est l'illettrisme en France. Une belle leçon d'humilité venant de gens pour qui la vie est loin d'être facile. Car comme le dit si bien Bertrand Guillot, les mots sont partout, sur les formulaires de sécu, de pôle emploi, sur le plan du métro, les horaires du prochain bus, mais aussi sur l'affiche publicitaire que vous pourriez lire en attendant votre tour à la Caf et qui vous ferais sans doute un peu passer le temps...
Ma note: 8,5/10
Un documentaire accessible, qui pointe le doigt sur un réalité pas vraiment réjouissante. Les dialogues tout au long de l'ouvrage donne une dynamique appréciable au témoignage qui, sans cela, aurait pû être redondant!
Le petit plus:
Le site de L'agence nationale de lutte contre l'illéttrisme, ICI
Je vous invite à consulter ce document qui officialise les chiffres de l'illéttrisme en France
Commentaires
1. Mélopée le 07-06-2011 à 18:47:07 (site)
Ce me semble en effet bien intéressant !
2. Anne Sophie le 08-06-2011 à 12:01:03 (site)
merci d'avoir participé au voyage de ce livre
3. Mypianocanta le 08-06-2011 à 13:55:30 (site)
Tiens je retiens le site que tu cites... et je trouve dommage que cette alphabétisation ne soit pas plus prise en charge.